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Organiser son travail pour se procurer du temps libre

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Légende de la photo : des prairies multi espèces pour maximiser la production de lait à l'herbe

 

Dans le Finistère, Gilbert et Guylène TROMEUR sont à la tête d’une exploitation de 123 ha de prairies pour produire 400 000 litres de lait en agriculture biologique. Le troupeau de 120 vaches est alimenté uniquement avec de l’herbe et ne reçoit pas de concentrés. La conduite technique de ce système laitier est bien maîtrisée. Cela leur permet de se dégager un revenu correct et d’avoir une organisation du travail flexible. Ils peuvent ainsi réaliser leurs projets personnels.

L’exploitation est adhérente au GIEE « explorons la biodiversité des réponses biologiques afin de renforcer le lien sol-plante-animal en système herbager et/ou biologique » animé par Isabelle Pailler de la Chambre d’Agriculture du Finistère. Ce système de production que l’on peut qualifier de « low cost » fait partie d’une démarche de groupe basée sur des échanges, des partages d’expériences et un regard sur des modèles innovants. Au-delà du technico-économique, l’objectif des éleveurs est de « pouvoir disposer de temps libre et d’une organisation flexible »  afin de partir en vacances.

Une trajectoire riche en expériences

Gilbert TROMEUR a repris l’exploitation familiale en 1995 avec son épouse en tant que salariée. L’exploitation était composée de 40 ha pour 200 000 litres de lait produits avec un troupeau de 32 vaches à 6800L lait/an. L’assolement classique pour la région comportait 15 ha d’herbe, 15 ha de maïs et 10 ha de céréales.

L’exploitation, devenue GAEC entre époux, s’est modernisée et agrandie au fil du temps pour atteindre aujourd’hui 123 ha de SAU. La mise en place du système de production actuel a été progressive. Elle est le fruit de la curiosité des éleveurs et de rencontres à l’occasion de diverses formations et voyages d’étude.

En 2003, pour améliorer la qualité du lait, les éleveurs férus de génétique se sont orientés vers la race Simmental en remplacement des Prim’Holstein. Dans le même temps, ils ont arrêté les céréales au profit de prairies temporaires à base de raygrass et trèfle blanc.

L’année 2004 est la première approche vers l’agriculture durable. Les éleveurs s’engagent dans un CTE (contrat territorial d’exploitation) pour 5 ans avec le CEDAPA (Centre d’études pour un développement agricole plus autonome). Mais cette expérience ne s’avère pas concluante sur le plan travail et à la fin du CTE les éleveurs entament la conversion de l’exploitation à l’agriculture biologique.

C’est en 2010, suite à un voyage d’étude en Angleterre sur les systèmes herbagers en conduite « low cost », que le système actuel s’est reconstruit.

Le choix de la race jersiaise s’impose dans le troupeau

C’est d’abord par un nouveau changement de race vers la jersiaise et par la mise en place de croisement sur le troupeau existant que l’atelier laitier se reconstruit. Le choix d’une race laitière de petit gabarit et moins productive s’inscrit dans un projet plus global : celui de mettre en place des vêlages groupés au printemps, d’alimenter uniquement à base d’herbe sans concentrés et à terme de passer en monotraite.  

La conduite de la reproduction est axée sur de la génétique issue de taureaux jersiais de Nouvelle Zélande. Toutes les génisses sont inséminées en doses sexées ainsi que 30% du troupeau de vaches, le reste du troupeau est inséminé en doses classiques. Vu qu’il n’y a pas de débouché pour la vente des veaux naissants purs, 25% du troupeau dont la descendance ne présente pas d’intérêt est inséminé en doses Blanc Bleu Belge. C’est une stratégie fréquemment mise en place dans les élevages jersiais, elle consiste à assurer un nombre de femelles pour le renouvellement et de chercher une meilleure valorisation des veaux à la vente.

C’est environ 25 génisses qui sont sevrées par an et élevées pour un âge au vêlage de 24 mois. Ce taux de 19% de renouvellement permet de faire vieillir le troupeau et d’avoir une bonne longévité de carrière, le but est d’atteindre une moyenne de 6 lactations pour les génisses entrant dans le troupeau.

Dans ce nouveau schéma, les vaches produisent 3400 L de lait par an avec une bonne production de matières utiles grâce à des taux élevés (65g de TB et 45g de TP/l lait). En complément de la qualité du lait, la fécondité et la longévité sont aussi des atouts de la race. En 2017, c’est 378 000 L de lait livré au prix de 595€/1000 litres, l’incidence TB-TP s’élève à 81€/1000l.

Privilégier la production de lait à l’herbe

L’objectif du groupage des vêlages au printemps est de caler la production de lait sur la courbe de croissance de l’herbe pour produire un maximum de lait au pâturage sans concentré et sans fourrage complémentaires. Les vaches traites sont conduites en pâturage tournant allant de 3 à 4 jours par parcelle. L’objectif recherché est d’obtenir un pâturage ras de 4 à 5cm de hauteur d’herbe à la sortie des parcelles avec des temps de repousse de 19 jours entre passage.

Le pâturage des vaches traites est majoritairement réalisé sur des prairies temporaires multi-espèces, graminées et trèfle blanc mais aussi chicorée et plantain lancéolé. Le dosage dans le mélange de semences est de 6 kg de semences de chicorée et de 5 kg de plantain. Ces deux plantes sont couramment utilisées en pâture en Nouvelle Zélande. Elles sont riches en tanins et présentent des propriétés antiparasitaires et nutritives intéressantes. Ces tanins réduisent la dégradation rapide des protéines en les rendant plus assimilables dans l’intestin. Ces plantes au goût amer sont bien pâturées par les vaches. Par ailleurs, elles sont plus résistantes à la sécheresse que les graminées.

Afin de renforcer l’immunité biologique des animaux, un complément de semences médicinales est apporté sur une parcelle de pâturage. Il s’agit d’un mélange de 8 plantes : cumin des prés, pimprenelle, carotte sauvage, persil, fenouil, chicorée, achillée mille feuilles et cerfeuil.

La surface en prairies est en grande partie accessible aux vaches traites sauf un bloc de 23 ha situé à 14 km du siège. Il est récolté uniquement en enrubannage à raison d’une coupe toutes les 5 semaines, soit 5 coupes par an. La fertilisation sur ces parcs non pâturés est assurée par du compost de fientes de volailles à hauteur de 50 uN/ha.

L’enrubannage et le foin sont destinés à l’alimentation en période hivernale mais ils peuvent aussi être distribués en été, en cas de déficit d’herbe en été.

Au global, le coût de production des fourrages s’élève à 15€/ha de semences et 183€/ha de travaux par tiers (préparation des terres, semis, amendements et récoltes) pour un chargement de 1,19 UGB/ha de SFP, Le coût alimentaire des vaches se réduit au coût des fourrages uniquement et il s’élève à 57€/1000 L, travaux par tiers compris.

 De bons résultats économiques en phase avec les attentes des éleveurs

Cette construction de système de production laitière est destinée à répondre à des objectifs en termes de qualité de vie pour les éleveurs et aussi de rentabilité sans laquelle ils ne pourraient pas profiter de leur temps libéré.

Sur la campagne 2017, l’Excédent Brut de l’Exploitation est  très correct  avec 174 000€ pour le couple. Il est permis par une très bonne valorisation des surfaces en herbe et par des choix de conduite et de productivité du troupeau cohérents.

La désintensification du mode de production et le recours aux  travaux par tiers en quasi-totalité exigent peu de charges de matériel et d’installations. Le niveau d’annuités représente 10.6% de l’EBE, signe d’un endettement maîtrisé.

Après le paiement des annuités, le disponible d’exploitation est de 155 000€.  Il a  pour objectif d’assurer les besoins de prélèvements privés des exploitants et de couvrir les besoins d’autofinancement.  Ces excellents résultats économiques sont la preuve de la réussite économique de ce système de production.

Les éleveurs, Gilbert et Guylène sont toujours à la recherche d’innovation pour la réussite de leur projet. Pour Gilbert « c’est avant tout une démarche humaine, tous les 2 ans environ, nous nous questionnons sur nos attentes et nos projets pour le couple, professionnels ou personnels ». La trajectoire de cette exploitation montre l’intérêt d’avoir une ouverture d’esprit et d’aller découvrir d’autres modes de production.

 

Pour l’équipe des réseaux d’élevage Grand Est

Daniel COUEFFE    CDA 52
Alice BERCHOUX   Idèle

 

 

 

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